Rendez-vous
avec Sophie Galabru

Une rencontre dans le cadre du cycle des « Conversations d’Agnès », événement culturel depuis 2016 à l’Hôtel de Paris Saint-Tropez.

Saint-Tropez, le 12 juillet 2025

« Nos dernières fois » est un très beau Titre. Mieux, un bon titre. Immédiatement il interpelle, immédiatement il nous évoque quelque chose, immédiatement il nous embarque. Des dernières fois, nous en avons toutes (et tous) connu. Des dernières fois programmées, des dernières fois décidées, des dernières fois subies, des dernières fois qui ne sont pas des fins, des dernières fois irréversibles, mais tout instant – dans une vie – n’est -il pas irréversible ? 

C’est le propre du Temps, à l’inverse de l’espace. Jamais nous ne nous baignons dans le même fleuve. 

Faut-il pour autant en être nostalgique ? Pas forcément. Certaines dernières fois annoncent un nouveau départ, libèrent, marquent un avant et un après, un après à partir duquel se réinventer d’où le sous-titre de ce troisième opus : Défier la nostalgie.

La nostalgie, Sophie Galabru connait ou a connu, des parents, un brin mélancolique, des départs, un divorce, des maisons de famille qui se sont éloignées, des deuils, bref autant de petites douleurs et de grandes tristesses qui ont ancré cette jeune femme dans des questionnements sérieux. Des questionnements d’agrégée de philo, des questionnements de petite fille de Michel Galabru, cette masse de drôlerie et de gravité, des questionnements de fille de Jean, le fils sensible de Michel, des questionnements de femme. Ce qu’elle est pleinement. Alignée dans sa recherche et qui nous revient après deux premiers livres : « Le Visage de nos colères » et « Faire famille » pour lequel nous l’avions reçue l’an passé. Cette année, elle réapparait avec ce que j’appelle un essai vrai comme un roman vrai qui parle autant d’elle que de nous. Un livre personnel écrit à l’encre de l’émotion et traversé de bout en bout par le mot : Vitalité. Son « fil rouge ». Celui de son auteur préféré Etty Hillesum qui affirme : « Tout ce qui ne nourrit pas la vitalité n’est pas valable ». De quoi faire un tri dans nos vies de distraction. De quoi accueillir ces « dernières fois » autrement. 

Cette vitalité, qui est l’inverse d’une intensité artificielle, que procurerait l’idée de « La dernière fois ». Sa scénarisation, son aspect romanesque mais pas toujours nécessaire. Comme il n’est pas plus nécessaire nous dit Sophie du haut de ses 35 printemps d’être « otage d’un budget temporel » à savoir compter les fois, celles qui vont passer, celles qui vont arriver. La première, la dernière. Non, son livre est une invitation à s’installer dans la durée, en survol et en surplomb, regarder le fleuve courir sous nos yeux. Considérer notre impuissance face à son irréductible écoulement. Mais ne plus être dans « la nostalgie anticipatrice » façon Amélie Nothomb, qui nous empêcherait de ne pas profiter de l’instant présent. Car il va passer.

Ce troisième livre de Sophie Galabru est un livre traversé par l’expérience de celle qui l’écrit et qui l’écrivant se transforme. S’apaise. Selon elle, il ne s’agit pas de « vivre comme si nous allions mourir demain » ce qui conduit à l’affolement mais au contraire au moment où les portes se referment, le dernier match, le dernier jour de travail, le dernier baiser mais sait-on jamais s’il sera le dernier, elle nous invite à nous détacher de nos vies mais pas de LA VIE et à s’éblouir de ce que les autres font, les autres qui sont parfois les siens, les autres qui sont parfois des autres mais surtout des surprises, des rencontres, qui nous modifient et nous propulsent dans le temps du désir. Qui n’a rien à voir avec le temps qui passe…

Le temps du désir ne passe pas c’est pour ça que nous sommes vivants, libérés du temps chronologique. Et que nos dernières fois sont aussi comme les pelures d’un oignon qui garde en son cœur toute sa saveur.

« Nos dernières fois » fut le Titre de travail de l’auteur, il restera le Titre du livre, celui qui fait signe au lecteur. 

Pour son plus grand bonheur.

« Nos dernières fois », Sophie Galabru, Allary Éditions.

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