Rendez-vous
avec Samuel Andréo

Une rencontre dans le cadre du cycle des « Conversations d’Agnès », événement culturel depuis 2016 à l’Hôtel de Paris Saint-Tropez.

Saint-Tropez, le 25 mai 2024 

Samuel Andréo – Chef Concierge de l’Hôtel de Paris Saint-Tropez

La double vie de Samuel Andréo : Clef d’or et plume sensible…

Samuel Andréo est un oiseau rare. Un oiseau rare atterri à l’Hôtel de Paris Saint-Tropez par la grâce de la propriétaire, Simone Dray, qui passait par là le jour de l’entretien d’embauche et qui lança : « Eh bien voilà, on l’a notre Chef concierge, c’est lui ! ». C’était il y a dix ans, il s’en souvient encore, il s’en souviendra toujours car Samuel est un fidèle. Un homme de parole. Et d’écrit. La preuve, nous le recevons aujourd’hui pour son cinquième livre : « Un jour (presque) parfait » (Éditions Desbaumes) véritable petit bijou de littérature qui se déroule sur vingt-quatre heures et nous invite à partager sa double vie, celle de chef concierge et d’auteur. Sa double scène aussi, celle du Clos des Vignes, sa bulle de solitude et de régénération, et la grande scène de la comédie humaine : celle du lobby de l’hôtel où cet homme « carré » – mélange d’efficacité et d’opacité – se trouve parfaitement illustré par cette phrase d’ouverture empruntée à Cocteau : « Je suis un mensonge qui dit toujours la vérité ».

Sa vérité est celle d’un homme de cinquante-six ans, beau, rasé de près, à la tonicité physique qui se devine sous ses costumes bleu marine, un homme qui affiche trente-cinq ans d’hôtellerie dont trente ans de conciergerie au compteur, un homme devenu Clef d’Or, future Palme d’Or des Clefs d’Or, en clair : le nec plus ultra des Concierges, soit un homme pour qui l’impossible n’existe pas. Mon métier, dit-il, est de « faire rêver les clients » et c’est ce qu’il fait, secondé par dix-sept collaborateurs qui prendront soin des trente mille clients que verra défiler le desk, chaque été, chaque saison, et ce depuis dix ans.

Alors, toujours vivant ? Oui, car il écrit, ou lit, ou jardine et se ressource dans sa maisonnette au milieu des vignes, à deux pas de la Rouillère à Ramatuelle. Oui, car chaque matin, il se lève à 6h30, fait son lit « au carré » et donne un temps à sa vie intérieure, salvatrice, avant de rejoindre sa vie extérieure, qui l’aspire et le galvanise. Aussi. Car il est apprécié, car il est au cœur de l’humain, donc au cœur du Roman. Le roman des vies qu’il côtoie, le roman de l’époque (le métier a changé dit-il, il a perdu en humanité et gagné en digitalisation) le roman d’un territoire qui lui est cher, la presqu’île de Saint-Tropez, réservoir romanesque s’il en est.

C’est d’ailleurs là (aussi) qu’il a planté le décor de son précédent livre, paru en 2020 : « Quelques fragments du chaos, Impressions de Saint-Tropez » au moment du COVID-19, cette séquence irréelle qui lui a imposé deux mois de solitude forcée. Forcée ? Oui, mais dont il jouira avec délectation. Ne dit-il quand on lui demande son signe astrologique : « Je suis solitaire ». Un solitaire sur-sollicité, un solitaire empathique, c’est-à-dire ultra sensible, une éponge confie-t-il qui écrit « pour s’essorer ». Et ressortir plus clair de la machine à laver estivale, ces deux mois de saison qui font crépiter les sms, les mails, et les demandes incessantes, changeantes, touchantes parfois de clients qui le regardent comme celui qui va ouvrir « les Portes de la Ville ». Les « portes fermées » s’entend.

Dans ce dernier opus dont la focale est de plus en plus personnelle, pour le plus grand bonheur du lecteur, il fait se côtoyer le superficiel et les moments douloureux qui ponctuent une vie : la dégradation d’un père qui devient un « enfant de 80 ans », la maladie d’un ami, la dépression d’une mère… Mais le show must go on ! Et c’est donc cette double vie intérieure-extérieure, grave et légère, désabusée mais toujours émerveillée par la beauté du monde, le regard de Sandy, le bébé éléphant de 800 kilos, que, non, il ne ramènera pas au Clos des Vignes, la gentillesse de la propriétaire, cette maman-patronne, pour qui il déploie des trésors d’attention, et des milliers de clins d’œil dans ce livre ô combien pétri d’humanité : Humain, trop humain Samuel Andréo ?

Mais l’est-on jamais trop ?

Agnès Bouquet

« Un jour (presque) parfait », Samuel Andréo, Éditions Desbaumes.

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