Rendez-vous
avec François Bernheim
Une rencontre dans le cadre du cycle des « Conversations d’Agnès », événement culturel depuis 2016 à l’Hôtel de Paris Saint-Tropez.
Saint-Tropez, le 27 juillet 2025
François Bernheim et Eddie Barclay : « De la musique avant tout… »
C’est un homme de l’ombre au destin étonnant, un destin qui s’est joué sur une recommandation dont il ignore toujours la source, un destin qui s’est joué en un Oui dit immédiatement alors que celui qu’il rencontrait alors pour la première fois lui laissait cinq minutes de réflexion, un destin qui s’est joué entre fidélité au Maître et émancipation salvatrice après cinq ans de bons et loyaux services. Ces bons et loyaux services ont pris la forme floue mais exigeante d’assistant artistique d’Eddie Barclay, « l’Empereur du microsillon », l’homme en blanc, l’homme aux huit mariages et aux 1 000 conquêtes, l’homme des fêtes exceptionnelles à Saint-Tropez avec une bande qui l’était tout autant dont Carlos, Eddy Mitchell, Johnny Hallyday, Stéphane Collaro ou encore Henri Salvador.
François avait alors 21 ans, Eddie 47 ans. Nous étions le 30 juillet 68. L’aventure démarrait, elle sera le matériau d’un livre passionnant et sensible à découvrir au moment où une exposition – organisée par la Ville de Saint-Tropez et le magazine Paris-Match – baptisée « Le Sens de la fête » lui est consacrée pour les 70 ans de la création de son fameux label « Barclay Records ». Mais le Barclay du livre de Bernheim « Barclay et moi » paru aux Éditons du Cherche Midi est le Barclay de cette relation là, décrite avec tendresse et finesse par celui qui fut ce jeune homme aux cheveux blonds, à la démarche de cow-boy, issu d’un milieu défavorisé mais de parents aimants, Odette et Douglas, qui ont toujours dit « Oui » à leur fils unique, sûrs de son talent et en son cœur. Son talent il en fera la démonstration éclatante, deux ans après son arrivée, avec la constitution des Poppys et de ce tube « Noël 70 » vendu à un million et demi d’exemplaires puis au total à 5 millions !
Promu directeur artistique, Barclay lui confie Bardot qu’il découvre en cuissardes et bas résilles chevelure luxuriante dans le bureau du boss : « Tiens Brigitte, voici ton nouveau directeur artistique ! ». Il lui écrira « C’est une bossa nova » et « Tu veux ou tu veux pas » et de cette période créative et enjouée et née une amitié toujours vivace. Autres monstres sacrés que Barclay mettra entre les mains de celui qu’il appelait tour à tour le « Dilettante » ou « le Dauphin » : Delon dont le jeune François garde un souvenir de maxillaires en mouvement et de visage fermé sauf quand il jouait au baby foot et Johnny qui finalement sera échangé contre Brel avec le label Marconi. Mais ce que veux surtout Papa (autre surnom dont l’affuble ses collaborateurs) c’est de la chair fraîche. Artistique s’entend. C’est là qu’il découvrira une chanteuse israélienne Esther Galil et lui fera chanter « Le jour se lève » mais aussi Louis Chedid auquel le Boss ne croit pas, à tord estime le Dauphin. Enfin ce sont les incontournables danses de l’été, pour ses soirées blanches, que François se doit de composer en quelques jours. Ainsi cette fameuse « danse du ventre » qui se terminera en chenille dans les rues de Saint-Tropez au petit matin, entraînant dans son sillage tropézien et vedettes dans cette ivresse de vivre dont seul Saint-Tropez a le secret. C’est aussi ça qu’aimait Edouard Ruault, ce fils de cafetiers auvergnats, rebaptisé Eddie Barclay par ses soins, histoire d’américaniser son nom et sans doute son flamboyant parcours.
Plongé dans le grand bain du show biz, François apprend vite sans perdre son âme ni sa distance. Il reste à sa place et cinq ans plus tard, dessalé par son expérience dans l’industrie du disque, sa compréhension parfois cuisante des rivalités et des coups bas, son binôme fructueux avec Jacqueline (la femme forte de la compagnie) qui lui rappelle régulièrement « Bosse, ne demande rien de plus » il décide de prendre son envol. Avec elle.
Barclay quitte mais n’aime pas être quitté. Barclay aime la loyauté et la fidélité (dans le travail) et prend les départs pour des trahisons. Barclay tente de les dissuader mais rien n’y fait. Sans tuer le père, le fils part… Et c’est à ce moment là que son flair de découvreur se révèle totalement avec Patricia Kaas notamment pour laquelle il composera ses plus grands succès (Mon mec à moi, D’Allemagne, Les hommes qui passent…) avec Renaud, avec Louis Chedid qui deviendra un ami, avec Gérard Depardieu, puis Guillaume… il écrira pour Richard Cocciante (Il mio rifugio), Gérard Lenorman, Marie Laforêt, Serge Reggiani, Nicoletta…
Au total 1 300 chansons sorties de la plume de ce jeune homme plutôt sage, doté d’un charme irrésistible, mieux d’une douceur mais toujours à sa place, discret, dans l’ombre qui, à 78 printemps, décide d’en sortir pour nous offrir un livre dense, vibrant, sincère. À son image.
Agnès Bouquet
« Eddie Barclay et moi », François Bernheim, Éditions Le cherche midi.

Rendez-vous
avec François Bernheim

Informations
- Dimanche 27 juillet 2025
- À partir de 19h30