Rendez-vous
avec Charlotte Hellman

Une rencontre dans le cadre du cycle des « Conversations d’Agnès », événement culturel depuis 2016 à l’Hôtel de Paris Saint-Tropez.

Saint-Tropez, le 2 octobre 2021

Paul Signac : L’Amour du large.

Charlotte Hellman, arrière-petite-fille de Paul Signac, est la grâce même. Ovale parfait du visage, teint diaphane, lèvres ourlées souvent soulignées d’un rouge vif, cheveux noirs jais, longue silhouette savamment entretenue par des bains de mer matinaux plage des Graniers, plage où se baignaient sa mère, Françoise Cachin (directrice mythique du musée d’Orsay) mais avant sa grand-mère, Ginette dite Gigi, ou encore son arrière grand-mère, Jeanne dite «la panthère des Batignolles», l’une des deux femmes de Paul Signac que raconte Charlotte dans un livre toute en délicatesse et fermeté (c’est elle !) qui sort en poche aujourd’hui : «Glissez, mortels».

L’histoire inouïe (un homme, deux femmes, un enfant illégitime adopté par la femme légitime !) dont elle est issue et qu’elle a remonté au fil des 9 000 lettres échangées quotidiennement entre les 3 protagonistes. Un trouple avant l’heure. Sur fond d’histoire de l’art, mais aussi d’histoire politique. Tant Signac, être de passion, âme éprise de hauteur, fut aussi un homme engagé. Premier livre de Charlotte auteur, suivi par le très attendu «Journal 1894-1909» (Gallimard) que l’ex-éditrice (11 ans chez JC Lattès et Plon) a rédigé «sur des coins de table» dans son nid d’aigle à Paris, où elle occupe les fonctions de Responsable des Archives Paul Signac, de titulaire du droit moral et d’expert de l’œuvre. De bien grands mots pour cette longue liane nimbée de poésie et habillée vintage qui aurait pu être l’une des «Femmes au Puits» ou «Femme à l’ombrelle» peintes par son arrière grand-père dans les années 1890. Années de son arrivée à Saint-Tropez par la mer, au gouvernail de son voilier l’Olympia, l’une des 31 unités qu’a possédé cet homme épris de large… Car si l’on connait Paul Signac le peintre divisionniste, on connait moins Paul Signac le navigateur aguerri qui pénètre vent debout dans la baie de Saint-Tropez le 6 mai 1892, impressionnant les vieux loups de mer.

Immédiatement adopté, il écrira à sa mère : «Je crois que j’ai découvert là de quoi travailler toute mon existence (…) C’est le bonheur que je viens de découvrir…». Ce bonheur s’incarne en un lieu La Hune, lieu en «parfaite adéquation avec son monde intérieur» qui révèlera d’autres facettes du peintre, d’autres techniques aussi (il se met à l’aquarelle) et surtout de nouvelles façons de réagir à cette lumière du Sud. Charlotte y écrit parfois, jamais dans l’atelier du peintre, mais sur des «bouts de table» toujours, entre les rires des enfants et le chant des oiseaux. L’air de rien, fidèle à l’esprit de sa mère, cette historienne de l’art réputée qui, quand elle embarquait sa fille au musée disait : «pas plus de trois tableaux !» histoire de ne pas «dégoûter les gens».

C’est donc d’une «imprégnation tranquille» dont a bénéficié la Charlotte que vous rencontrerez, pour nous parler de celui dont elle est la seule et unique descendante. Un «exubérant qui se dompte» disait son ami Fénéon. Un homme caractérisé par L’Amour du large.

Agnès Bouquet

« Glissez, mortels », Charlotte Hellman, Éditions Philippe Rey.

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