Rendez-vous
avec Aurélie Dupont

Saint-Tropez, le 31 mai 2025

Aurélie Dupont, danseuse étoile, auteur, amoureuse, heureuse : « Je ne me retourne jamais dans la vie » !

Aurélie Dupont est magnifique. Magnifique quand elle danse, quand elle écrit, quand elle parle, quand elle se tait, quand elle élève ses enfants Jacques et Georges, âgés de 17 et 14 ans qu’elle a eu avec le danseur étoile Jérémie Bélingard. Magnifique quand elle fait de la céramique, quand elle crée une ligne de bijoux, quand elle imagine des spectacles de danse immersifs, quand elle invente sa vie, sa nouvelle vie. Après 40 ans de « bons et loyaux services » dédiés à l’Opéra de Paris dont la majorité consacrée à la Danse qui lui valu cette distinction suprême d’étoile obtenue le 31 décembre 1998 à l’âge de 25 ans. Retraitée à 42 ans, elle deviendra Directrice du ballet de l’Opéra national de Paris six ans et demi soit de février 2016 à Juillet 2022 pour enfin rendre les gants, de boxe parfois, tant ce job qui consistait à s’occuper de 153 danseurs répartis entre Bastille et Garnier mais aussi de la programmation et du mécénat ne fut pas tâche aisée.
Des regrets ? « Non » affirme Aurélie qui précise : « Je ne me retourne jamais dans la vie ».

Dans la vie, non, mais à l’écrit si, en témoigne ce livre de 476 pages – « N’oublie pas pourquoi tu danses » (Albin Michel) – magnifique là encore, sincère et sans tabou, écrit en un an et demi, qui raconte un parcours hors-norme, un destin exceptionnel, fait de sacrifices et de souffrances, d’humiliations parfois mais aussi d’instants extatiques, de joie intense, d’élévation de l’âme et de dépassement de soi qui ont permis à cette petite fille de 9 ans, jugée vilaine par sa maman, jugée trop grosse par ses professeurs, ou trop belle par d’autres qui lui intimeront dans un mot assassin de « s’attacher à devenir intéressante et pas seulement jolie ». Il fallait un sacré mental et une détermination à toute épreuve pour faire triompher le talent, le sien, et pas celui d’une autre. Ce talent, mieux cette grâce, ce don qui fit d’elle l’inoubliable Juliette dans le Roméo et Juliette de Sasha Waltz (pour ne citer que ce premier rôle qui la vit se dévoiler pleinement) mais aussi une actrice et une tragédienne d’une intensité à la mesure de sa timidité et de ses silences.

Aujourd’hui, Aurélie, dans la vraie vie, se « déprécie moins » il est vrai que Jacques et Georges lui rappellent que « non, maman tu n’es pas nulle ». Des enfants auxquels elle s’est consacrée, là encore pleinement, prenant soin de séparer son métier de danseuse et sa vie de femme et de mère. Protégeant celles-ci, regagnant souvent en métro à 22h30 le domicile familial après des représentations qui lui valaient des salves d’applaudissements. C’est aussi pour eux qu’elle a écrit ce livre, eux qui ne réalisent pas ce qu’est une danseuse étoile, elle a voulu leur léguer par écrit ce qu’elle a vécu. Pour mieux l’oublier aussi, tant elle dit se rappeler à peine de tous les ballets classiques qu’elle a dansé… Sauf quand la musique « la raccorde » à son métier de danseuse (Chopin et La Dame aux camélias par exemple) et que le trac lui revient comme si elle allait entrer en scène à nouveau. En scène une fois encore. La scène, c’est ce qui lui manque, pas l’Opéra. Alors maintenant elle met en scène avec des partenaires choisis des spectacles de danse contemporaine qu’elle amène dans des lieux inédits, inattendus, majestueux comme les jardins de l’Hôtel du Couvent à Nice ou encore, très bientôt, le Louvre d’Abou Dabi.

Embellir ces lieux par le geste artistique, offrir aux danseurs un autre espace de jeu la réjouit. Elle, la solitaire, elle l’hyper sensible, qui parfois quand le bruit est trop invasif met des écouteurs, sans musique, juste pour retrouver le silence. Ce silence intérieur qu’elle a du trouver pour danser, danser au sommet.
Cette nécessité qu’elle résume en une phrase : « Je dois sortir du monde ».

Agnès Bouquet

« Danse ! », Aurélie Dupont, Éditions Albin Michel Jeunesse.