Rendez-vous
avec Anne Goscinny

Saint-Tropez, le 27 août 2021

Anne Goscinny : L’Écriture et la Vie.

Anne Goscinny, c’est un sourire. Large, chaleureux, gourmand.

Anne Goscinny, c’est un regard, tantôt malicieux, tantôt perdu, incrédule face à l’absurdité de la vie.

Celle qui lui a enlevé son père, René Goscinny, un vilain matin. Elle avait neuf ans. Un an plus tard et pour des raisons qui la touchaient directement, elle passe à l’acte d’écrire. D’abord sous forme épistolaire, à un médecin qu’elle verra régulièrement de dix à dix-sept ans, rédigeant trois lettres par jour, n’osant lui en envoyer qu’une par semaine mais commençant là à se canaliser toute entière, à donner un sens à ce qui lui arrivait. Un sens et une force.

De cette force elle fera sept livres dont l’inaugural et magistral «Le Bureau des solitudes» paru en 2002 (Grasset) et le bijou absolu : «Le bruit des clefs » en 2019 (Nil). Beauté d’une parole nue qui dit sa vérité, ton radical et enfantin. Son style. La lire en mettant sa main dans la sienne est la meilleure façon de l’accompagner et de traverser «en tenant» ce récit «sans rimmel, ni rouge à lèvres» : «Tu étais mort. Mort. Voilà. Mort jusqu’à quand ?»…

Elle aime «les gens qui doutent» comme sa marraine spirituelle, Anne Sylvestre. Mais aussi les gens qui rient. En 2018, grâce à sa rencontre avec la dessinatrice Catel qui lui dit «qu’elle est bien plus drôle que ses livres !» elle se lance une nouvelle aventure et donne naissance à Lucrèce, ado attachante flanquée d’une grand-mère déjantée, dont elle dit aujourd’hui qu’elle est la grande sœur du Petit Nicolas, acceptant enfin de marcher dans les pas de son père. Ou à côté.

Avec son style à elle, son univers à elle, celui de ses enfants aussi Simon et Salomé, auxquels elle a transmis le goût des mots, de la chanson française, du cinéma.

Toute forme de sublimation qui permet aux âmes trop tôt bousculées par la vie, de rester de ce côté là.

Avec ce sourire là.

Agnès Bouquet